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Les yeux de chair et de sang

Ce qu’il me reste du Mouridisme

29 Octobre 2012 , Rédigé par Pape Lat Publié dans #Simulacres de réflexion

Khadimoul MoustaphaLa problématique mouride, en ces temps, au Sénégal semble prendre l’aspect difforme d’une quadrature de cercle : elle a les relents d’une insoluble équation dont l’inconnue, quoique manifeste, jouit d’une insoutenable capacité à se faufiler entre les mailles de la résolution. Elle tient en un mot, six lettres tout au plus, un tantinet banales, qui font toutefois tressaillir bien des Sénégalais : Béthio. Je ne dirais pas un mot sur l’homme en question. Son prénom est déjà, en soi, une assez avilissante offense pour que je me permette d’y ajouter quelque autre malveillance. Même dans la désobligeance, il faut savoir garder un brin de courtoisie et d’élégance. Je m’y refuse donc.

 

La vérité est que j’en veux moins à cet homme qu’à ses semblables qui ont entretenu son simulacre de puissance et de légitimité. Je parle des Sénégalais, ceux-là même, qui, à travers leur coupable et complice silence en ont fait une personnalité tacitement institutionnalisé, jouissant d’une certaine notoriété et de quelque puissance illusoire qui, en réalité, ne fut qu’un déplorable trompe-l’œil. J’en veux moins à la plèbe qu’à l’élite d’avoir été le témoin complaisant, quelquefois même conciliant, des dérives d’un pseudo-marabout sans pour autant piper mot, poussant l’incongruité jusqu’à légitimer le statut de cet homme en acquiesçant à ces injonctions, le fameux ndiggël. Il faut les voir ces hauts cadres, aux parcours universitaires irréprochables, s’abêtir devant le miroir qu’offre Béthio. Et en ces temps troubles, en ces instants de grisaille où Dakar oscille entre crainte et incertitude, ce sont ces mêmes personnes, firmaments d’une intelligentsia douteuse, qui souscrivent aux critiques de circonstances, qui usent des mots doctes pour tirer à boulets rouges sur cet homme. Ceux qui étaient jadis, que dis-je, dans un passé récent, les boucliers camouflés de Béthio, deviennent, par un immonde retournement de veste, les bourreaux de ses heures d’ombre. C’est un double-jeu qui vise à étoffer le crédit d’une clairvoyance qui n’en est véritablement pas une. Ce pays, je m’y résous définitivement, souffre plus de sa fine fleur que de sa mauvaise graine ; il est davantage victime de son gratin que de sa populace.

 

Non, je ne dirais rien de Béthio et de ses pratiques, pour le moins, orthodoxes. Qui suis-je, en effet, pour me permettre pareille prétention ? Assurément, rien  de plus qu’un méprisable tenancier de quelqu’obscur blog. Un peu de sérieux, voyons ! Et les petits-fils de Cheikh Ahmadou Bamba, cloîtrés dans leurs salons cossus à Touba ? Il me semble bien que c’est à eux que revient l’urgente et délicate tâche de trancher sur les questions qui gangrènent le Mouridisme : devrait-on, oui ou non, inclure les Thiantacounes  dans l’ossature mouride ? Existe-t-il, à proprement parler le Mouridisme ou des mouridismes ? C’est à eux qu’échoit le droit de répondre à ces lancinantes questions. Ils le doivent pour le salut des millions d’adeptes parsemés partout à travers le monde, qui ont prêté allégeance à Khadimoul Rassoul. Les Mourides, s’il en est encore, ont besoin d’être édifiés. Les en priver serait un bien cruel supplice. Face à cette situation, leur silence, au risque d’être intolérable, serait en plus coupable. Le Mouridisme souffre et feindre le contraire ne l’en rendrait que plus mal en point.

 

En ce qui me concerne, je suis, à ce jour, un Mouride blessé, égaré. Je fais le deuil d’une grande partie des pratiques coutumières de cette confrérie. Je me réfugie dans la nostalgie d’un âge d’or et lorsque je me trouve désargenté, mon chagrin élit domicile dans les magnifiques réminiscences de ce qui fit la gloire de cette confrérie. Du Mouridisme, il me reste le faciès adorable du vénéré Serigne Saliou Mbacké, son mépris fascinant pour les mondanités et les biens évanescents de cette Terre, son humilité. Du Mouridisme, il me reste le Café Touba que je sirote durant mes nuits blanches et dont les effluves parfumés titillent mes narines comme un baume des jardins d’Eden. Du Mouridisme, il me reste les larmes qui embrument ma vue, lorsque, dans le recueillement d’une oreille tendue, les mélodies romancées des Khassaïdes traversent mon ouïe pour venir aiguillonner mon cœur. Et plus que tout, du Mouridisme, il me reste la somptuosité de l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimoul Rassoul à travers le courage, l’humilité, l’amour de soi, du prochain et de Dieu, entre autres. Le Sage à la tunique immaculée m’a fait découvrir les délices de la dévotion éthérée et désintéressée envers Allah. Toute ma vie, je lui en serai redevable.

 

Je me réconforte, tout compte fait, en me disant que le Mouridisme n’est, non pas en passe de sombrer ou de se désagréger (il en faudra beaucoup plus qu’un Bethio pour ce faire) mais qu’il est tout simplement en léthargie et qu’il renaîtra, un jour, de ses cendres. Ne mettez pas cela sur le compte d’un quelconque fanatisme, je vous en conjure – les fanatiques m’importunent prodigieusement ; la Foi n’est et ne saurait être tyrannie. C’est tout simplement la volonté de préserver dans leur magnificence ce que fut la croyance pour laquelle je suis chevillé depuis ma tendre enfance, ces réminiscences que je garde conservées jalousement dans la forteresse de mon esprit. Impossible n’est pas mouride. J’en suis convaincu, maintenant plus que jamais.

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